− Une pastorale est une expression artistique populaire et collective de spectacle vivant. Elle peut être tragédie, comédie ou tragi-comédie selon le sujet traité qui convoque toujours une situation réelle, dénoncée, dans laquelle chacun reconnaît le propos. Ce n'est donc pas un divertissement mais une réalité revendiquée. Elle s'adresse à la communauté organisatrice ou plus largement sensibilisée. Le pouvoir peut surveiller les étapes de sa fabrication depuis l'idée jusqu'à la réalisation. Subventions, services, autorisations et présence lors des représentations peuvent apparaître comme les manifestations de l'engagement ou du refus.

− Une pastorale trouve son origine dans le théâtre du jeu de paume, au sortir des guerres de religion. La forme référentielle en est l'Illusion Comique de Corneille (1635) avec ses caractéristiques (illusions, mises en abyme, personnages protéiformes, changements à vue, décors à compartiments, etc.). Les rapports salle scène sont donc spécifiques. Ils induisent des formes déclamatoires, de jeu, de maquillages propres. L'utilisation obligatoire du texte versifié en fait un long poème parfois chanté et toujours rythmé par des intermèdes signifiants dansés.

− Pendant 250 ans cette forme a donné le théâtre classique français pour qui Molière ou Racine ont œuvré. Le théâtre se donnait aussi en plein air et quand un groupe humain créait son spectacle à la "manière de" pour s'exprimer, celui-ci pouvait devenir alors une pastorale... Attention, au tournant de 1750, le vérisme de Voltaire et Diderot, crée le quatrième mur et préfère la salle à l'italienne à la salle à la française, condamne la forme dont la pastorale est l'héritière, aux campagnes les plus anciennes et reculées, loin des villes et de ses embellissements bourgeois genre Odéon ou grand Théâtre de Bordeaux qui deviennent alors les modèles incontestés.

− On ne monte plus sur le théâtre à partir du XVIIIème siècle comme précédemment. Tout change. La pastorale, avatar du théâtre à la française, en conserve, depuis, toutes les formes.... ce n'est, sinon, pas une pastorale.

− Le terme de pastorale pourrait signifier "théâtre amateur" à une époque où on ne sait pas le définir autrement que par le nom de l'échafaud. La Pastorale 2018 valorise le Camgran, les arbres, le pont de César, le Vert.

− Elle raconte l'histoire des cagots à Moumour, voire des exclus ou des marginaux. Elle est doublement non réaliste :

  1. Elle mêle tradition orale, écrits, témoignages pseudo historiques, temps mêlés. L'exclusion, le mépris et le:racisme perdurent: on trouve là une intemporalité.
  2. Les récits et personnages nombreux doivent trouver une existence anecdotique pour échapper à une didactique laborieuse hors propos scénique. La vie même désincarnée demeure la vie selon des codes de spectacle vivant propres au théâtre amateur de la pastorale donc....des personnages codifiés désincarnés.

− L'action englobe la "geste fébusienne " en vrai comme en faux. Celle-ci traite de l'heure de gloire du Béarn et de la reconnaissance par les autorités de la servitude des cagots. Nous irons puiser nos représentations scéniques dans les illustrations des Riches heures du cardinal du Berry, dans le livre de la chasse de Gaston Fébus. Les miniatures des ouvrages cités se déroulent dans les forêts, les campagnes, sauvages ou apprivoisées. Les costumes nous inspirent par l'ampleur, la richesse, le spectaculaire qu'ils dégagent. Ils différencient parfaitement les statuts sociaux dont plusieurs types apparaissent : Les seigneurs, les voisins, les cagots. Décors et accessoires sont reconstitués non pour faire véridiques mais pour être signifiants immédiatement, peu encombrant et déplacés à vue selon la tradition des décors à compartiment typiques des origines de la pastorale. La matière représentée est le bois (cagots). Attention: toutes les couleurs des costumes, accessoires, décors et ambiances répondent strictement aux codes héraldiques noir blanc bleu =neutres ; C'est l'intensité qui fait l'importance!

− Le rythme qui emprunte ses fondamentaux aux codes de la pastorale est rapide, gai, il puise ses racines dans les fabliaux et contes médiévaux, ainsi que dans les Contes de Perrault forestiers et le Roman de Renard. La pastorale se déroule à vue du public, sur un plateau de 10x10, les acteurs changent en fonction des personnages, de .leurs emplois.

− Entrées, sorties, interventions dépendent de "l'enfer" et du "paradis", suivant la grammaire artistique développée.

Alain Munoz Empontaire, metteur en scène