Pratiquement tous les livres sur les cagots se réfèrent à des documents détenus par les archives de notre village, en particulier: la sentence prise par l'évêque d'Oloron, baron de Moumour, en 1741, contre Ramon, cagot de Moumour, et le testament de ce même personnage en 1468, mais il y en a bien d'autres...

Ces deux documents nous donnent un aperçu assez complet des droits, des devoirs et du mode de vie de ces personnes. Ils nous apprennent qu'ils avaient l'obligation de ne pratiquer que les métiers du bois, matériau, qui, croyait-on, ne pouvait transmettre les maladies ! Leurs compétences professionnelles dans ces métiers étaient unanimement reconnues et appréciées. Ils œuvraient pour les charpentes des maisons, des châteaux, des églises; par exemple ce sont des cagots béarnais qui seront appelés aux 12ème siècle, pour construire la charpente de Notre Dame de Paris.

Ils  fournissaient le bois de chauffage et fabriquaient meubles, tonneaux, assiettes, lourds vantaux de portes de château, granges ou églises. Ils réalisaient des prodiges pour les charpentes tournantes des moulins à vent, ou les roues de charrettes...

Par contre, ils avaient l'interdiction de pratiquer la culture ou l'élevage, de marcher pieds nus, d'entrer dans les moulins, les auberges ou les tavernes, de danser avec des non cagots, et ils devaient porter, sur la poitrine, un chiffon rouge en forme de crête (ou de patte d'oie).

Ces documents nous disent aussi qu'ils vivaient dans une certaine aisance, qu'ils ne se mariaient qu'entre eux, et allaient chercher loin leurs conjoints, afin d'éviter la consanguinité, contrairement aux gens du village qui se mariaient parfois entre cousins.

Ajoutons que les cagots avaient les même droits sociaux et juridiques que les autres habitants du Béarn. Les femmes cagotes laissaient des testaments, et réalisaient des contrats devant notaire, sans l'accord du mari - et même parfois, contre lui - pour protéger leurs biens propres. La dot, apportée par l'épouse, faisait l'objet d'un inventaire chez le notaire et restait sa propriété propre jusqu'à sa mort.

Si les cagots respectaient les même règles de vie sociale (mariages, respect des coutumes, etc) que les autres villageois., par contre, ils ne faisaient pas partie de la vésiau , c'est à dire l'ensemble des représentants élus qui veillaient au respect des coutumes de vie dans le village, et qui géraient les biens communaux. Les cagots ne participaient donc pas, bien sûr au partage des bénéfices, ni à l'attribution des lots de terrains appartenant à la communauté, que ces derniers soient cultivables ou réservés à la pâture. Enfin, on constate  qu'en 1450, ils n'avaient toujours pas de nom de famille, contrairement aux autres villageois qui en avaient un, obligatoirement, depuis deux siècles.

Si l'existence, le mode de vie et les professions des cagots sont connus, prouvés, vérifiés, il n'en va pas de même de leur origine: elle reste encore, aujourd'hui, une énigme à percer et ce, malgré les affirmations contradictoires de nombreux auteurs et historiens qui, bien souvent, ne retiennent que les critères étayant leur vision, oubliant ainsi ceux qui pourraient les obliger à nuancer leurs propos.

Finissons-en, tout d'abord ,avec l'idée que les cagots,étaient différents: deux commissions de médecins, l'une à la fin du 17ème siècle, l'autre à la fin du 19ème, sont venus en Béarn, examiner des cagots. Leurs conclusions sont identiques: rien ne distingue la majorité des cagots de celle du reste de la population ! En effet, pas de lobe d'oreille collé, pas de doigts crochus, pas de maladies particulière...et pas plus d'idiots chez eux qu'ailleurs, alors que, hélas, de grands savants du moyen âge comme Guy de Chauliac ou Ambroise Paré ont soutenu qu'ils étaient porteurs de graves maladies !

N'hésitez pas à consulter le chapitre sur les cagots, dans la rubrique Brèves d'histoire , sur le site des amis du Camgran, pour plus d'informations sur les hypothèses quand à leurs origines, ainsi que sur les coutumes du Béarn.

Gilbert Estecahandy, auteur de la Pastorale "eth cagots"